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Congés payés et arrêt maladie : que dit la loi DDADUE de 2024 ?

Table des matières

La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 (DDADUE) modifie l’acquisition des congés payés en cas d’arrêt maladie en France. Le Code du travail est enfin conforme au droit européen sur ce point. Désormais, les périodes de maladie, même non professionnelles, sont assimilées à du temps de travail et permettent d’acquérir des jours de congé. Mais concrètement, quelles sont les nouvelles règles applicables ? Sont-elles rétroactives ? Voici tout ce qu’il faut savoir sur ces évolutions réglementaires très attendues.

I. Les précisions de la DGT sur les nouvelles règles

Entrée en vigueur le 24 avril 2024, la loi DDADUE a fait l’objet de précisions complémentaires de la Direction générale du travail (DGT). Rappel des nouveautés de la législation en matière de congés payés durant les périodes d’arrêt maladie.

Les modalités d’acquisition de congés payés prévues par la loi DDADUE

Préalablement à l’entrée en vigueur de la loi du 22 avril 2024, seules les périodes d’arrêt de travail en raison de maladie professionnelle ou accident du travail permettaient d’acquérir des congés payés (article L3141-5 du Code du travail). Plusieurs arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 ont toutefois souligné la non-conformité de la législation française au droit européen sur cette question de l’acquisition des congés payés en arrêt maladie.

 

La loi DDADUE, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, a donc modifié ces modalités d’acquisition. Selon l’article L3141-5 du Code du travail, les périodes d’arrêt de travail sont désormais considérées comme du temps de travail effectif, y compris si la maladie est non-professionnelle. Résultat : ces phases de suspension du contrat de travail donnent lieu à l’acquisition de congés payés pour les salariés.

 

Concrètement, deux cas de figure se dessinent : 

  • Pour les arrêts liés à un accident de travail ou une maladie professionnelle, le salarié acquiert 2,5 jours de congés payés par mois, soit 30 jours par an (cinq semaines).
  • En cas de maladie ou d’accident non professionnels, le salarié acquiert 2 jours de congés payés par mois, soit 24 jours par an (quatre semaines).

Le report de congés payés sur une période de 15 mois

La loi DDADUE du 22 avril 2024 introduit aussi une période de report de 15 mois pour utiliser les congés payés acquis durant un arrêt maladie. Si le salarié ne peut pas prendre ses jours pendant la période normale en raison d’un arrêt de travail, il bénéficie de ce report. Passé ce délai, les congés non pris sont perdus, sauf si un accord d’entreprise ou de branche prévoit une période de report supérieure.

 

Dans le mois suivant la reprise du travail après un arrêt maladie ou un accident, l’employeur doit informer le salarié du nombre de jours de congé disponibles et de la date limite pour les prendre. À défaut, le délai de report de 15 mois pour poser les congés payés commencera à partir de la date de réception des informations données par l’employeur.

 

Une question subsiste toutefois : quel est le point de départ de la période de report ? Il diffère en fait selon la durée de l’arrêt.

 

Cas n° 1 : l’arrêt de travail est d’une durée inférieure à un an

Dans cette situation, la période de report débute à la date à laquelle le salarié, après sa reprise, reçoit les informations de son employeur sur ses droits à congés.

 

Exemple

Dans cette entreprise : 

  • La période de référence d’acquisition des congés court du 1er juin au 31 mai de chaque année.
  • La période de pose des congés est du 1er mai au 30 avril.

 

Un salarié est en arrêt maladie du 1er juillet au 30 septembre 2024.

Il reprend le travail le 1er octobre 2024 (date à laquelle l’employeur l’informe de ses droits au report).

 

À cette date, le salarié dispose de congés acquis avant l’arrêt maladie. S’il est dans l’impossibilité de les poser durant la période de prise de congés, il peut bénéficier d’un report de 15 mois à compter de l’information de l’employeur, soit du 1er octobre 2024 au 31 décembre 2025.

 

Attention ! Les congés acquis pendant l’arrêt de travail (juillet à septembre 2024) ne sont pas concernés, car la période de prise pour ces congés va du 1er mai 2025 au 30 avril 2026.

Cas n° 2 : l’arrêt de travail est d’une durée d’un an ou plus

La période de report débute à la fin de la période de référence au cours de laquelle les congés ont été acquis (en général, du 1er juin N-1 au 31 mai N).

 

Exemple

Le salarié est en arrêt de travail du 15 mars de l’année N-1 au 31 mai de l’année N. Il acquiert donc 24 jours de congés payés s’il est en arrêt maladie non professionnelle. 

 

La période de report de 15 mois commence le 31 mai de l’année N et s’étend jusqu’au 31 août de l’année N+1, sous réserve que l’employeur ait informé le salarié de ses droits.

 

En cas de prolongation de l’arrêt au-delà de 15 mois, les congés non pris seront perdus. Cependant, les accords d’entreprise peuvent prévoir une période de report plus longue.

 

En cas de reprise du travail dans la période des 15 mois, celle-ci est suspendue jusqu’à ce que l’employeur informe le salarié de ses droits restants.

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II. Application rétroactive de la loi pour les salariés en poste lors de son entrée en vigueur

Par son article 37, II, la loi DDADUE prévoit une application rétroactive des règles d’acquisition des congés payés durant un arrêt maladie. 

La rétroactivité de la loi sur les congés payés pour les salariés en poste

Les salariés toujours en poste à la date d’entrée en vigueur de la loi (23 avril 2024) peuvent ainsi réclamer des congés payés pour les arrêts de travail passés depuis le 1er décembre 2009 : 

  • à raison de 2 jours par mois ;
  • de 24 jours par an ;
  • en tenant compte des congés déjà acquis.

 

Toutefois, un délai de forclusion de 2 ans porte au 24 avril 2026 la date limite de réclamation des congés payés acquis.

 

Bon à savoir

En ce qui concerne l’acquisition de congés payés lors d’arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, la rétroactivité ne s’applique pas à la suppression de la limite d’un an. Les congés payés acquis pour ces arrêts restent soumis aux anciennes règles.

 

Les droits des salariés pour demander des congés payés acquis lors d’un arrêt maladie : l’exemple de la DGT

La Direction Générale du Travail (DGT) a précisé les modalités de réclamation rétroactive des congés payés. Voici les différentes situations possibles :

 

Durée de l’arrêt maladie

Situation

1 — Moins d’un an

Règle : les jours de congés payés acquis pendant cette période peuvent être pris dans les 15 mois suivant l’information donnée par l’employeur.


Exemple : arrêt maladie de septembre 2011 à février 2012.


Deux situations sont possibles : 

  • Soit l’employeur informe le salarié à l’entrée en vigueur de la loi, auquel cas le délai de 15 mois court dès le 24/04/2024.
  • Soit l’employeur n’informe pas le salarié : dans ce cas, ce dernier peut agir en justice jusqu’au 24/04/2026.

2 — Plus d’un an

Règle : La période de report de 15 mois débute à la fin de la période de référence au cours de laquelle les congés ont été acquis.


Exemple : arrêt maladie du 1er janvier 2012 au 31 mai 2013


Dans cette situation, il faut distinguer deux périodes : 

    • Du 1er janvier 2012 au 31 mai 2012.
  • Du 1er juin 2012 au 31 mai 2013.

Période n° 1 du 1er janvier 2012 au 31 mai 2012

L’arrêt date de 5 mois au 31 mai 2012 (fin de la période de référence). 

Pour cette période, c’est donc le cas « 1 — Moins d’un an » (voir ci-dessus) qui s’applique pour la réclamation des congés.


Période n° 2 du 1er juin 2012 au 31 mai 2013

Au 31 mai 2013 (fin de la période de référence concernée), la suspension du contrat est supérieure à un an. Par conséquent, le report des 15 mois débute le 31 mai 2013 et court jusqu’au 31 août 2014.


Si l’arrêt maladie a été prolongé au moins jusqu’au 31 août 2024, alors les congés sont perdus, car la période de report est écoulée.


Mais si le salarié a repris le travail avant le 31 août 2024, alors le report de 15 mois est suspendu en attendant que l’employeur ne l’informe. 

  • Si information de l’employeur : le délai restant reprend dès la notification pour réclamer les congés payés acquis.
  • Si pas d’information de l’employeur : le salarié a 2 ans pour faire valoir ses droits à compter de l’entrée en vigueur de la loi.



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Pour les salariés non en poste au 24 avril 2024, c’est un peu plus simple, car la prescription triennale de droit commun s’applique. Dès lors : 

  • Si le contrat a pris fin dans les 3 ans précédant la date d’entrée en vigueur de la loi (démission, licenciement, rupture conventionnelle…), alors le salarié peut agir en justice ou se rapprocher de son ancien employeur pour réclamer les indemnités correspondantes.
  • Si le contrat a pris fin plus de 3 ans avant la date d’entrée en vigueur de la loi, aucune action n’est possible.

 

Exemple

Un salarié a quitté l’entreprise le 28 février 2022. S’il peut prétendre à des congés payés au titre d’un arrêt maladie, il doit faire sa réclamation avant le 1er mars 2025.



La loi DDADUE de 2024 permet donc aux salariés d’acquérir des congés payés pendant les arrêts maladie, même non professionnels. Une rétroactivité est prévue jusqu’au 1er décembre 2009, mais les actions de réclamation sont soumises à différents délais de prescription et forclusion. Les employeurs doivent s’attendre à de nombreuses demandes de régularisation et dès maintenant adopter de nouvelles procédures en matière d’information des employés de retour d’arrêt maladie.

Enfin, d’un point de vue comptable et fiscal, l’impact de cette loi peut être de taille.

N’hésitez pas à prendre contact avec un expert-comptable de GT Expertise afin de gérer au mieux les dernières évolutions réglementaires.

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