La récente loi sur l’immigration, promulguée le 26 janvier 2024, a fait grand bruit dans l’hémicycle. Présenté sous deux versants complémentaires (contrôler l’immigration d’un côté, améliorer l’intégration de l’autre), le texte a apporté des changements significatifs dans la gestion de l’emploi des travailleurs étrangers en situation irrégulière en France. Le 5 février 2024, le ministère de l’Intérieur et le ministère de la Justice ont publié une instruction visant à renforcer la lutte contre les filières d’exploitation de ces travailleurs. Cette directive met un accent particulier sur les sanctions prévues à l’encontre des employeurs fautifs. Voici tout ce qu’il faut savoir sur les dispositions du volet « travail » de la loi immigration et les risques encourus par les employeurs de salariés « sans papiers ».
I. Une nouvelle amende administrative unique
Comme le précise l’article L. 8251-1 du Code du travail : « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ». La loi du 26 janvier 2024, relative à l’immigration et à l’intégration, introduit une nouvelle amende administrative unique qui remplace à elle seule les contributions spéciale et forfaitaire auparavant versées à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
Dans quelles situations s’applique l’amende administrative pour l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers ?
- Lorsqu’un employeur emploie (ou continue d’employer) un travailleur étranger sans titre de travail ;
- Emploie un salarié étranger dans une profession ou une zone géographique non autorisée par son titre de travail ;
- Fait appel aux services d’un employeur dont les salariés sont des étrangers non autorisés à travailler.
En consolidant ces sanctions en une seule amende, la législation vise à simplifier et à renforcer l’efficacité des mesures punitives contre l’emploi irrégulier des travailleurs étrangers.
D'après la loi immigration, à combien s'élève l'amende administrative en cas d'emploi de travailleurs en situation irrégulière ?
Le montant de cette amende administrative est fixé à un maximum de 5000 fois le taux horaire minimum garanti (soit 20 750 € par travailleur étranger en 2024). En cas de récidive, ce montant peut être majoré jusqu’à 62 250 € (équivalent à 15 000 fois le taux horaire minimum garanti).
Le ministre chargé de l’immigration est responsable de la détermination du montant exact de l’amende, en tenant compte de divers facteurs : les capacités financières de l’employeur, le degré d’intentionnalité de l’infraction, la gravité de la négligence commise et les frais d’éloignement du ressortissant étranger en situation irrégulière. Cette approche permet d’ajuster les sanctions en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas. L’objectif ? Assurer une réponse proportionnée et juste.
Comment fonctionne l'amende administrative pour l'emploi irrégulier de travailleurs étrangers en France ?
L’article L. 8253-1 du Code du travail, modifié par cette nouvelle législation, dispose que cette amende est prononcée par le ministre chargé de l’immigration, sur la base des procès-verbaux et des rapports transmis par les autorités compétentes. Le constat des infractions peut être réalisé lors de contrôles administratifs (notamment par les CODAF, Comités opérationnels départementaux de lutte anti-fraudes, mais aussi par l’inspection du travail).
Une procédure contradictoire est ensuite menée, permettant à l’employeur de présenter ses observations. En cas de désaccord, celui-ci peut contester l’amende par un recours gracieux ou contentieux dans un délai de deux mois. Dès lors, le recouvrement de la créance est suspendu.
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II. Le durcissement de la sanction pénale
En cas de poursuite du Procureur de la République, l’employeur d’un salarié en situation irrégulière risque également une sanction pénale, cumulable avec l’amende administrative.
Dans quels cas l'employeur risque-t-il une sanction pénale ?
L’article L. 8256-2 du Code du travail sanctionne pénalement tout employeur qui embauche, conserve à son service ou emploie un étranger sans titre de travail en France. Cette infraction inclut également le recours aux services d’une entreprise employant des étrangers non autorisés à travailler.
Quelles sont les peines encourues par les employeurs pour emploi irrégulier de travailleurs étrangers ?
La peine d’emprisonnement n’a pas changé : les employeurs risquent désormais jusqu’à 5 ans d’incarcération pour l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers.
En revanche, l’amende pénale a quant à elle été augmentée à :
30 000 € par salarié pour les employeurs personnes physiques (contre 15 000 € auparavant) ;
150 000 € pour les personnes morales : l’article 131-38 du Code pénal précise en effet que l’amende applicable aux personnes morales est égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques.
Les infractions commises en bande organisée
Pour rappel, la notion de bande organisée est définie par l’article 132-71 du Code pénal : il s’agit de tout groupement formé ou toute entente établie en vue de préparer une ou plusieurs infractions, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels.
Lorsque l’infraction d’emploi irrégulier de travailleurs étrangers est commise en bande organisée, les peines sont considérablement alourdies. Conformément à l’article L. 8256-2 du Code du travail, la sanction encourue est de 10 ans d’emprisonnement et l’amende peut atteindre 200 000 euros.
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III. Les échanges d’informations entre autorités
Le plan national de lutte contre le travail illégal (2023-2027) a largement souligné le besoin d’améliorer la coordination entre les PFMOE, les corps de contrôle et les organismes de sécurité sociale. Depuis 2021, les plateformes de main-d’œuvre étrangère (PFMOE) sont responsables de l’instruction des demandes d’autorisation de travail déposées par les employeurs. Leur objectif ? Assurer une meilleure réactivité aux requêtes des entreprises, tout en renforçant la lutte contre l’emploi illégal des travailleurs étrangers.
Pour leur donner les moyens de remplir cette mission, la loi immigration a ajouté un alinéa à l’article L. 5221-7 du Code du travail : « Les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-17 peuvent obtenir tous renseignements et documents relatifs aux autorisations de travail. L’autorité administrative chargée d’instruire et de délivrer les autorisations de travail peut solliciter ces agents afin d’obtenir tous renseignements et documents nécessaires à l’instruction des demandes relatives à ces autorisations, dans des conditions définies par décret. » L’objectif est clair : améliorer la détection et la prévention des filières d’exploitation des travailleurs étrangers en situation irrégulière.
L’instruction du 5 février 2024 apporte des précisions concrètes quant aux acteurs pouvant être concernés par ces échanges d’informations. Il peut notamment s’agir de l’Office de Lutte contre le Trafic de Migrants, l’Office Central de Lutte contre le Travail Illégal ou le CODAF (comité opérationnel départemental de lutte anti-fraude).
Pour rappel, le CODAF est une instance départementale qui coordonne la lutte contre les fraudes aux finances publiques, sociales, fiscales et douanières, ainsi que le travail illégal. Elle regroupe les services de l’État et les organismes locaux de protection sociale pour une action concertée et efficace.
À l’inverse, les instances de contrôle peuvent, elles aussi, transmettre toutes les informations nécessaires aux plateformes de main-d’œuvre étrangère.
Cette instruction sur les sanctions en cas d’emploi irrégulier de travailleurs étrangers renforce les amendes administratives et pénales encourues par les employeurs, étend les cas d’application et intensifie la lutte contre les filières d’exploitation en bande organisée. La multiplication des échanges d’informations entre les différentes autorités devrait mener à une action concertée efficace contre le travail illégal. Les employeurs doivent donc rester vigilants lors des embauches afin d’éviter toute infraction.