Quand désigner un commissaire à la transformation ?

La transformation consiste pour une société à changer de forme juridique. Il en est ainsi lorsqu’une société à responsabilité limitée – SARL se transforme en société par actions simplifiées – SAS. Cependant, le passage d’une SARL à une Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité  EURL –  ou le passage d’une SAS à une société par action simplifiée unipersonnelle –  SASU –  ne constituent pas en soi une transformation en ce sens que dans ces dernières opérations, la société change seulement dans le nombre d’associés la composant. En effet, une SARL qui devient une EURL est une SARL à associé unique. Il en est de même lorsqu’une SAS devient une SASU. Il en résulte que dans ces dernières situations, il n’y a pas de changement de forme juridique.

Quoi qu’il en soit, la transformation régulière d’une société en une société d’une autre forme n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle (article 1844-3 du code civil).

La transformation d’une société peut présenter plusieurs intérêts pour les associés. Il en est ainsi lorsque la société souhaite accueillir de nombreux investisseurs, ou lorsqu’elle désire faire appel public à l’épargne, cette opération n’étant pas autorisée dans toutes les formes juridiques. Dans ce cas, la société adoptera la forme juridique permettant une telle opération. Par exemple, la transformation d’une SARL en  une société anonyme – SA – peut trouver son intérêt pour les associés dans le fait de permettre à ces derniers de procéder à un appel public à l’épargne, une telle opération étant interdite dans les SARL[1].

En outre, les sociétés d’assurance, de capitalisation et d’épargne ne peuvent adopter la forme de société à responsabilité limitée (art. L. 223-1 al. dernier, c. com).

La transformation d’une société en une autre forme juridique peut également trouver sa raison par le respect d’une obligation légale. Tel est le cas lorsqu’une SARL est composée de plus de 100 associés, le nombre maximal d’associés dans cette société étant alors dépassé[2]. Dans ce cas, il conviendra donc de transformer la SARL en une autre forme juridique (en SA par exemple) permettant d’accueillir plus de 100 associés, afin de ne pas enfreindre la loi sur la limitation du nombre d’associés au sein des SARL.

En tout état de cause, quel que soit l’intérêt qui justifie la  transformation, cette opération est à manier avec prudence, car elle nécessite plusieurs conditions dont le non-respect  est sanctionné par la nullité de la transformation.

L’une de ces conditions est d’obliger les associés à ne délibérer sur la transformation de leur société qu’au vu du rapport du commissaire à la transformation.

Dans ce cas, la société sera tenue d’en désigner un si elle n’est pas déjà dotée d’un commissaire aux comptes.

Dans tous les cas, le rapport du commissaire aux comptes sur la transformation de la société est obligatoire sous peine de nullité de la transformation.

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I. Quelles sont les conditions de validité de la transformation d'une société ?

La transformation d’une société est soumise au respect de plusieurs conditions de validité dont entre autres celle de faire précéder la décision de transformation du rapport du commissaire aux comptes ou du commissaire à la transformation[3].

En vérité, les conditions varient selon le type d’opération envisagé. En effet, elles ne sont pas les mêmes selon le passage d’une forme de société à une autre. Ainsi, les conditions de transformation d’une SARL en SA ne sont pas les mêmes que celles relatives au passage d’une SARL à une SAS. Nous verrons donc les différentes hypothèses de transformation sans prétendre à l’exhaustivité.

1- La Transformation d’une SARL en SA ou en SAS

1.1. Transformation d’une SARL en SA

Deux grandes conditions se posent lorsqu’une SARL se transforme en une SA.

1.1.1. Condition relative au montant du capital social

Le montant minimal du capital social, dans une société anonyme, est fixé à 37 000 euros (art. L. 224-2 c. com). Il convient donc de procéder, avant de transformer la SARL en SA, à une augmentation de capital, si le capital social de la SARL n’atteint pas déjà ce seuil, et ce afin de respecter le minimum légal du montant du capital social d’une société anonyme.

1.1.2. Condition relative au nombre d’associés

La loi sur les sociétés anonymes ne permettant pas que celles-ci soient des sociétés à associé unique, la SARL – bien entendu à associé unique – qui se transforme en une SA devra donc compter au moins 2 associés ou 7 associés si la SA est cotée en Bourse (v. art. L. 225-1 c. com.).

1.1.3. Condition de majorité de la décision de transformation

La décision que doivent adopter les associés réunis en assemblée générale extraordinaire à l’effet de statuer sur la transformation de la société requiert la majorité pour la modification des statuts.

Toutefois, une majorité simple est suffisante si le montant des capitaux propres du dernier bilan excède 750 000 €.

La décision est précédée du rapport du commissaire aux comptes.

Toute transformation effectuée en méconnaissance de ces règles est nulle (art. L. 223-43 c. com.).

1.2. Transformation d’une SARL en SAS

1.2.1. Absence de condition relative au montant du capital social

Aucun montant minimum du capital social n’étant exigé dans les SAS, la SARL qui se transforme en une SAS n’aura donc pas à procéder à une modification de son capital social.

1.2.2. Absence de condition relative au nombre d’associés

Il n’y aura également pas besoin de modifier la composition du nombre d’associés de la SARL, dans la mesure où la réglementation sur la SAS n’exige pas de celle-ci un nombre minimal d’associés.

1.2.3. Décision prise à l’unanimité des associés

La décision de transformation de la SARL en SAS doit être prise à l’unanimité des associés (art. L. 227-3 c. com.). Cette décision est précédée du rapport du commissaire à la transformation.

2-La transformation d’une SARL en SNC

2.1. La décision unanime des associés

La société en nom collectif –  SNC étant une société dans laquelle les associés sont engagés solidairement et indéfiniment des dettes sociales, la transformation de la SARL en SNC requiert donc l’accord unanime des associés.

Cette décision est obligatoirement précédée du rapport du commissaire aux comptes.

2.2. L’exigence de la capacité commerciale

La SNC est une société qui confère à ses associés la qualité de commerçant. Il est donc nécessaire aux associés de respecter la condition relative à la capacité commerciale.

3-La transformation d’une SAS en SARL, en SA ou en SNC

En application de l’article L. 227-3 du Code de commerce, la décision de transformation de la SAS est prise à l’unanimité des associés, et ce quel que soit le type de transformation envisagé.

Il en résulte que la transformation d’une SAS en SARL ou SA suppose l’accord unanime des associés.

La même condition est exigée lorsqu’elle se transforme en SNC d’autant plus qu’une telle opération entraîne l’augmentation des engagements des associés.

4-La transformation d’une SA en SARL ou en SAS

4.1. La durée d’existence de 2 ans.

Dans tous les cas où une SA se transforme en une autre forme juridique, il est nécessaire qu’elle ait 2 ans d’existence avant sa transformation ( art. L. 225-243 c. com.).

4.2. L’approbation du bilan des 2 premiers exercices.

La transformation régulière de la SA suppose également qu’elle ait établi et fait approuver par les actionnaires le bilan de ses deux premiers exercices.

4.3. La condition de majorité de la décision de transformation.

4.3.1.La transformation de la SA en une SNC ou en une SAS

Dans cette situation, l’unanimité est requise pour adopter la décision de transformation de la SA. En effet, pour la transformation d’une SA en une SAS, l’unanimité est exigée en application de l’article L. 227-3 du code de commerce. Alors que pour transformer une société en une SNC, la décision est adoptée à l’unanimité parce que cette transformation a pour effet d’augmenter l’engagement des associés.

4.3.2.La transformation de la SA en une SCS ou en une SCA

La transformation de la SA en une société en commandite simple – SCS ou en une société en commandite par actions –  SCA est décidée dans les conditions prévues pour la modification des statuts et avec l’accord de tous les associés qui acceptent d’être associés commandités.

4.3.3.La transformation de la SA en une SARL

La transformation de la SA en une SARL est décidée dans les conditions prévues pour la modification des statuts des sociétés de cette forme.

Dans tous les cas (transformation de la SA en SNC ou en SARL, etc.), la décision de transformation est précédée  du rapport du commissaire aux comptes, s’il en existe ou du commissaire à la transformation.

II. Quelles sont les conditions de désignation du commissaire à la transformation ?

La question de la désignation du commissaire à la transformation dépend de savoir si la société devant faire l’objet de transformation a ou non nommé en son sein un commissaire aux comptes.

Si la société est déjà dotée d’un commissaire aux comptes, il n’ y aura plus besoin de nommer un commissaire à la transformation.

En l’absence d’un commissaire aux comptes nommé dans la société, un commissaire à la transformation sera désigné.

Dans tous les cas, le commissaire à la transformation qui sera désigné doit être choisi parmi les commissaires aux comptes inscrits au tableau de l’Ordre des Experts-Comptables ou parmi les experts inscrits sur une des listes établies par les cours et tribunaux.

Il est désigné par une décision unanime des associés. A défaut, il est nommé par ordonnance du Président du tribunal de commerce statuant sur requête.

Dans l’accomplissement de sa mission, il peut se faire assister par un ou plusieurs experts de son choix. Ses honoraires sont à la charge de la société.

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III. Quelle est la mission du commissaire à la transformation ?

Le commissaire à la transformation a pour mission d’apprécier, sous sa responsabilité, la valeur des biens composant l’actif social et les avantages particuliers. Il peut également être chargé d’établir un rapport sur la situation de la société. Dans ce cas, il n’est rédigé qu’un seul rapport.

En outre, le rapport du commissaire à la transformation doit attester que le montant des capitaux propres est au moins égal au capital social.

Ledit rapport est tenu, au siège social,  à la disposition des associés 8 jours au moins avant l’assemblée appelée à statuer sur la transformation.

IV. Quelles formalités à accomplir ?

1. Formalités à effectuer au greffe du tribunal de commerce

Le rapport du commissaire à la transformation ou du commissaire aux comptes est déposé au greffe du tribunal de commerce 8 jours au moins avant l’assemblée devant délibérer sur la transformation de la société.

Les associés doivent statuer sur ce rapport. Il conviendra donc d’établir un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire.

Ce procès-verbal, ainsi que les statuts mis à jour en conséquence de la transformation de la société, feront l’objet d’un dépôt au greffe en annexe du registre du commerce et de sociétés.

Il sera également nécessaire de procéder à une insertion d’un avis dans un support d’annonce légale dit – SHAL.

2. Formalités d’enregistrement auprès du service des impôts des entreprises

La transformation d’une société est obligatoirement soumise à son enregistrement auprès de la recette des impôts.

En conséquence, le dossier doit d’abord être enregistré par le service des impôts des entreprises avant son envoi au greffe du tribunal de commerce.

Un droit fixe de 125 €  est perçu dans le cadre de l’enregistrement.

V. Quelles sanctions en cas d’inobservation des règles relatives à la transformation ?

Deux types de sanctions peuvent être envisagés en cas de méconnaissance des règles de transformation d’une société :

–          La nullité de la transformation de la société

–          La création d’une  personne morale nouvelle

1. La nullité de l’opération de transformation de la société

La transformation d’une société est subordonnée au respect des règles de validité de l’opération. Leur violation a donc pour effet d’entraîner la nullité de la transformation.

Parmi ces règles, nous pouvons citer l’article L. 223-43 du Code de commerce qui dispose que la décision de transformation de la société est précédée du rapport du commissaire aux comptes.

Dès lors, la méconnaissance de cette règle vicie la validité de la transformation et a pour conséquence de provoquer la nullité de l’opération.

L’action en nullité se prescrit par 3 ans à compter de la décision de transformation de la société prise sans le rapport du commissaire à la transformation. 

Toutefois, la nullité n’est pas prononcée lorsque sa cause  a cessé d’exister le jour où le tribunal statue en première instance au fond.

2.     La création d’un être moral nouveau

La transformation irrégulière d’une société, c’est-à-dire en violation de la loi, peut avoir pour effet de créer une personnalité morale nouvelle.

Cette sanction résulte d’une interprétation  a contrario de l’article 1844-3 du code civil selon lequel : « La transformation régulière d’une société en une société d’une autre forme n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle ».

Il en résulte que les associés, qui transforment leur société en méconnaissance des règles juridiques y afférentes, courent un risque grave en ce sens que par leur action fautive, ils auront créé, sans se rendre compte, une nouvelle société, avec toutes les conséquences fiscales néfastes y attachées, notamment avec le risque de payer un montant élevé de plus-values dues à la cessation d’activité de leur société transformée !

 Thierno DIALLO, Docteur en droit et Responsable juridique du Cabinet GT EXPERTISE.

[1] Voir, toutefois, une exception dans le cadre de l’article L. 223-11 du code de commerce qui dispose que : « Une société à responsabilité limitée, ayant désigné un commissaire aux comptes et dont les comptes des trois derniers exercices de douze mois ont été régulièrement approuvés par les associés, peut émettre des obligations nominatives à condition qu’elle ne procède pas à une offre au public de ces obligations ou qu’elle procède à une offre mentionnée au 1° de l’article L. 411-2 du code monétaire et financier.

L’émission d’obligations est décidée par l’assemblée des associés conformément aux dispositions applicables aux assemblées générales d’actionnaires. Ces titres sont soumis aux dispositions applicables aux obligations émises par les sociétés par actions, à l’exclusion de celles prévues par les articles L. 228-39 à L. 228-43 et L. 228-51.

Le non-respect de l’une des conditions édictées aux alinéas précédents est sanctionné par la nullité des contrats conclus ou des obligations émises.

A peine de nullité de la garantie, il est interdit à une société à responsabilité limitée de garantir une émission de valeurs mobilières, sauf si l’émission est faite par une société de développement régional ou s’il s’agit d’une émission d’obligations bénéficiant de la garantie subsidiaire de l’Etat ».

[2] Art. L. 223-3 c. com.

[3] Pour un exemple, v. art. L. 223-43 c. com. Un commissaire à la transformation sera désigné si la société n’est pas dotée d’un commissaire aux comptes.

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