Quelle durée pour la période d’essai lorsque plusieurs CDD précèdent un CDI ?

La durée pour la période d’essai

La question de la durée de la période d’essai lors du passage d’un CDD (contrat à durée déterminée) à un CDI (contrat à durée indéterminée) est un sujet récurrent en droit du travail, notamment en France. Elle se pose particulièrement lorsque le salarié a enchaîné plusieurs CDD avant de signer un CDI pour le même emploi. La loi, appuyée par la jurisprudence, impose que la durée des CDD précédant le CDI soit déduite de la période d’essai prévue par le nouveau contrat à durée indéterminée, même si les CDD sont espacés dans le temps. Cette disposition vise à protéger les salariés contre une période d’essai abusive et injustifiée.

1. Rappel des bases légales et principes en matière de période d'essai

Selon le code du travail français, un salarié qui enchaîne un ou plusieurs CDD avec un CDI pour le même emploi bénéficie d’une déduction de la durée de ces CDD de la période d’essai du CDI. C’est ce que stipule l’article L1243-11, alinéa 2 et 3 du code du travail. En d’autres termes, lorsque le salarié a déjà occupé le poste sous CDD, l’expérience acquise lors de ces contrats à durée déterminée doit être prise en compte, et donc la durée de la période d’essai du CDI doit être réduite.

Cela permet d’éviter qu’un employeur impose une nouvelle période d’essai pleine alors même que le salarié a déjà fait ses preuves sur une longue durée au même poste, sous des contrats à durée déterminée. L’idée sous-jacente est de ne pas faire repasser le salarié par un test inutile, l’objectif d’une période d’essai étant de vérifier l’adéquation entre le poste et la personne. Si cette adéquation a déjà été validée à plusieurs reprises par le biais de CDD, il serait inéquitable d’imposer une nouvelle période d’essai complète.

2. Application de la règle lorsque plusieurs CDD précèdent le CDI

La Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises que cette règle s’applique non seulement lorsqu’un CDD unique précède un CDI, mais également lorsque plusieurs CDD se succèdent avant la conclusion d’un CDI pour le même emploi. Même si ces CDD sont espacés dans le temps, cette règle continue de s’appliquer. La continuité fonctionnelle du poste, c’est-à-dire le fait que le salarié ait effectué le même travail pendant toute cette période, est ici déterminante. Peu importe que des interruptions (de courtes durées) aient eu lieu entre les CDD, l’essentiel est que le salarié ait exercé le même emploi de manière régulière et continue sous différents contrats.

Un exemple marquant est celui de la décision de la Cour de cassation (Cassation n° 12-12113), qui a rappelé qu’il est de jurisprudence constante que la durée des différents CDD doit être prise en compte lors du calcul de la période d’essai du CDI. L’objectif est de protéger le salarié contre un usage abusif des périodes d’essai, notamment lorsque ces périodes d’essai viennent prolonger inutilement la durée pendant laquelle l’employeur évalue les compétences du salarié à un poste donné.

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3. Exclusion de la règle : changement de poste ou de fonction

Toutefois, il est important de souligner que cette déduction de la période d’essai n’est pas automatique dans tous les cas. Si le salarié, bien qu’ayant été en CDD chez le même employeur, est embauché en CDI pour un poste différent, avec des compétences et des exigences différentes, l’employeur n’est pas tenu de réduire la durée de la période d’essai.

Cette exception trouve son fondement dans le fait que la période d’essai a pour vocation d’évaluer l’adéquation entre le salarié et le poste. Si le poste a changé et nécessite des compétences nouvelles ou différentes, l’évaluation doit pouvoir reprendre. La jurisprudence (Cassation n° 89-45508) a confirmé cette approche, précisant que tant qu’il n’y a pas de fraude à la loi (par exemple, changer artificiellement l’intitulé du poste pour imposer une nouvelle période d’essai), l’employeur reste dans son droit.

4. Cas pratique : le cas de l’infirmière en CDI après plusieurs CDD

Une affaire récente illustre parfaitement la mise en application de ce principe. Une infirmière diplômée d’État avait été embauchée par un employeur sous trois CDD successifs pour des périodes allant du 18 mai au 31 mai 2017, du 1er au 30 juin 2017 et du 1er au 30 août 2017. Par la suite, elle a été embauchée en CDI à partir du 4 septembre 2017 avec une période d’essai de deux mois. Cependant, l’employeur a mis fin à cette période d’essai le 15 septembre 2017, invoquant ainsi la rupture du contrat avant la fin de la période d’essai.

La salariée a contesté cette rupture devant le conseil de prud’hommes, arguant que l’employeur n’avait pas respecté les règles relatives à la période d’essai. Selon elle, la période d’essai de deux mois ne pouvait pas lui être imposée car elle avait déjà occupé le même emploi pendant environ deux mois et demi en CDD. En déduisant la durée de ses CDD, l’employeur ne disposait plus de suffisamment de temps pour invoquer la rupture de la période d’essai.

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5. Décision des juges de première instance et de la cour d’appel

Dans un premier temps, les juges ont donné raison à l’employeur. Selon eux, les deux premiers CDD, qui avaient été interrompus par une période d’un mois en juillet 2017, ne pouvaient être considérés comme étant dans la continuité du CDI. Ainsi, seule la durée du dernier CDD, allant du 1er au 30 août, devait être déduite de la période d’essai. L’employeur avait donc respecté le délai prévu pour mettre fin à la période d’essai, ayant procédé à la rupture par lettre le 15 septembre, avant la fin de la période d’essai calculée.

6. Rebondissement devant la Cour de cassation

Cependant, la Cour de cassation a renversé cette décision en rappelant une fois de plus le principe établi à l’article L1243-11 du code du travail. Pour la haute juridiction, le critère déterminant dans cette affaire était la continuité fonctionnelle du poste, et non la continuité chronologique des contrats. Autrement dit, même si la relation de travail avait été ponctuée d’une courte interruption en juillet 2017, l’infirmière avait occupé le même emploi avec les mêmes responsabilités sous chacun des trois CDD.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé que l’ensemble de la durée des trois CDD devait être déduit de la période d’essai du CDI. L’employeur, en ne respectant pas cette règle, avait donc rompu la période d’essai de manière irrégulière, justifiant ainsi la demande de la salariée de requalifier la rupture du CDI en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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7. Implication pour les employeurs et les salariés

Cette décision de la Cour de cassation, ainsi que la jurisprudence plus générale en la matière, a des implications importantes pour les employeurs et les salariés. Les employeurs doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils enchaînent des CDD avant de proposer un CDI pour le même emploi. Ils doivent impérativement déduire la durée des CDD de la période d’essai pour éviter tout risque de contentieux.

Pour les salariés, cette jurisprudence est une protection contre les abus éventuels de la période d’essai. Si un salarié a déjà prouvé ses compétences sur un même poste sous plusieurs CDD, il ne devrait pas être soumis à une nouvelle période d’évaluation pleine lorsqu’un CDI est conclu.

Conclusion

La période d’essai est un moment crucial pour un employeur qui souhaite évaluer les compétences d’un salarié avant de s’engager sur la durée. Toutefois, lorsque plusieurs CDD précèdent un CDI pour le même poste, l’employeur est tenu de déduire la durée des contrats à durée déterminée de la période d’essai. C’est une règle claire établie par le code du travail et confirmée à de multiples reprises par la jurisprudence. Cette obligation s’impose même si les différents CDD ont été espacés dans le temps, dès lors que le salarié a exercé les mêmes fonctions tout au long de ces contrats.

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